Voici certaines questions posées autour de la méditation. Les réponses données par Cyril Castaing ont été formulées dans un contexte particulier, il s’agit donc de les prendre avec précaution. 

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Je suis toujours content après coup, mais j’ai souvent du mal à me « bouger » pour aller méditer. Devons-nous nous forcer pour cela ?

Il y aura toujours quelque chose de plus intéressant ou de plus urgent « à faire » que d’aller s’asseoir pour ne « rien faire ».

Pourtant, c’est dans ce rien faire – qui n’est en fait pas un « rien faire » mais un « non-faire » activement présent – que se vit pleinement ce que nous recherchons toujours à travers tous nos « faire » : le sentiment d’être.

Et comme le dit Edgar Morin : « A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on en oublie l’urgence de l’essentiel ».

Je ne veux pas dire par là qu’il faille absolument aller méditer plutôt que faire autre chose – peut-être qu’il est plus juste pour vous de faire autre chose, surtout que parfois la méditation peut aussi être une fuite – mais que notre mental trouvera toujours une raison pour échapper au ressenti du présent.

Alors oui, faites comme bon vous semble, la méditation en tant que pratique n’est peut-être pas du tout nécessaire, voyez. Mais voyez aussi qui, en vous, demande de ne pas y aller . Et voyez aussi, en vous, qui appelle au secours et demande d’être enfin reconnu… Où vous situez-vous réellement ? Quelle est la part de vous qui domine ? Cette compréhension vous emmènera dans un état méditatif, et l’appel viendra de lui-même.

Mais pourquoi le mental veut éviter la méditation, surtout si, au final, cela nous fait du « bien » ?

Tout simplement car dans la méditation le mental – en tant croyance dans notre identité corps/mental – n’existe plus. Dans le présent, le mental est absent. Car il est l’activité même d’évitement du présent. Il est constamment dans le refus, la résistance, la recherche d’autre chose, d’ailleurs, de mieux. Il regrette, espère, projette, râle et ne peut jamais être totalement satisfait. Il est seulement dans l’idée du devenir, jamais dans l’être. La pensée est la plupart du temps une fuite au ressenti du présent. Nous pouvons clairement le voir en méditation.

Le mental est donc celui qui nous extirpe de la vie, ou plutôt semble nous en extirper. Car seule la pensée de ce que nous sommes est prise au piège, pas ce que nous sommes vraiment. Il nous emporte par ce qui est dit et c’est cela l’ignorance, mais cette ignorance ne concerne que notre identité imaginaire.

En fait, dans la méditation nous nous perdons pour nous retrouver. Nous perdons notre entité illusoire – le mental/ego – pour nous retrouver en tant que conscience. Il y a donc une perte de notre identité illusoire – et c’est pour cela qu’il y a une peur et un évitement – mais il y a surtout une retrouvaille avec notre réelle identité. C’est comme si nous arrachions le rideau qui semblait nous protéger, mais qui en fait nous voilait le magnifique paysage de la vallée…

La « pleine conscience » que je pratique m’apporte parfois de la paix intérieure, mais parfois j’ai l’impression que cela m’enlève toute spontanéité au quotidien.

Oui, trop souvent quand on « veut pratiquer »,  spécialement la pleine conscience, on dénature l’attention naturelle et détendue. Même si effectivement, au début, la position de témoin peut créer un certain décalage. Car nos habitudes ne s’enchainent plus aussi mécaniquement. On a alors l’impression de ne plus être naturel, mais il ne faut pas confondre le naturel avec l’habituel.

Le naturel est en deçà de l’habituel, il est étouffé par lui. L’habituel est conditionné par nos tensions, la société, l’éducation, la famille… La spontanéité nait lorsque nous sommes réellement affranchis du passé psychologique.

Donc, dans un sens, s’il y a au début une impression de délai et de manque de spontanéité lorsque l’on devient réellement attentif, cela doit rapidement s’effacer pour laisser place à un sentiment d’ouverture et de détente qui englobe chaque perception – extérieure ou intérieure.

Sinon, effectivement, il y a un grand risque de devenir mécanique dans une pratique que l’on s’impose si nous ne comprenons pas bien de quoi il s’agit. Et en fait, il faut avouer que c’est très souvent le cas ! Spécialement dans les pratiques où l’on demande un effort volontaire. On croit, par erreur, qu’il faut être conscient de tout. Il ne faut pas chercher à être conscient comme un chien cherche son os ! Nous sommes déjà conscients. Il faut plutôt laisser venir ce qui vient sans intervenir. L’attention dont on parle ici n’a rien à voir avec la lourdeur mentale que l’on ajoute souvent lorsque l’on veut pratiquer la pleine conscience.

Si en pratiquant je créé un décalage, une dualité, pourquoi pratiquer pour revenir à une unité qui était déjà là quand je ne pratiquais rien ?

C’est une excellente question ! La réponse que vous trouverez en cherchant par vous-même vous fera sans doute faire un bon en avant dans votre compréhension.

Pour vous aiguiller, voyez qu’habituellement, nous sommes perdus dans les objets que nous percevons. Notre « moi » est totalement impliqué, englué dans ce qu’il perçoit : sensations, pensées, émotions, perceptions extérieures. Ils les évaluent, les jugent sans même s’en rendre compte. Nous pouvons alors dire que le sujet – je – est perdu dans les objets.

La pratique de l’attention nous extirpe des objets. Ces objets ne sont pas uniquement les perceptions extérieures, mais aussi tout notre monde intérieur. Dans ce cas, le sujet devient simplement un témoin. Petit à petit, les objets qui ne sont plus jugés par le sujet, deviennent libres d’être eux-mêmes en quelque sorte. Les objets deviennent libres à l’intérieur d’un sujet qui n’a aucune caractéristique, sinon celle d’être conscient et présent.

Pour résumé, au départ, nous sommes perdus dans les objets, à la fin les objets sont perdus en nous. La phase intermédiaire est une étape indispensable pour nous dégager et nous libérer des perceptions.

Mais en réalité, il n’y a jamais véritablement d’étapes. Nous sommes toujours un avec, à la fois non-séparés et libres des objets. Le problème, c’est que nous croyons l’inverse… Toutes les étapes sont au niveau mental. L’unité est là, que nous le sachions ou non.

Je suis artiste et j’ai l’impression que mon travail est une sorte de méditation. Pourtant, j’ai aussi l’impression que lorsque je pratique trop de méditation formelle, cela me fait parfois perdre la créativité et la singularité dans mon expression. Je n’ai alors plus toujours le ressort nécessaire pour créer.

Je pense qu’il faut se poser la question sur ce qu’est véritablement l’art. Pas de manière intellectuelle, mais intérieurement.  Que cherchons-nous à travers l’art, quel qu’il soit ? Qu’est-ce que le beau ?

Bien évidemment, nous recherchons le bonheur. Dans l’art, l’émerveillement en est son expression. Lorsque l’objet de notre contemplation est « admiré », nous sommes un avec l’objet. Notre identité se dissout et nous retrouvons notre vraie nature, sans limite.

Un avec l’objet de perception, c’est la beauté. Un avec l’autre, c’est l’amour. Un avec la situation, c’est la paix. Toutes ces modulations du bonheur, nous font revenir à notre être.

L’artiste s’inspire de cette perfection qu’il ressent dans son cœur. Mais s’il veut montrer et exposer cette perfection à travers son œuvre, il va se sentir souvent incompris et frustré. La perfection dans l’expression extérieure est une illusion. Elle est recherchée que lorsque nous ne la vivons pas à chaque instant. La perfection n’est pas dans les choses mais dans celui qui les regarde. D’où l’impossibilité de la perfection extérieure…

Par contre, si l’artiste veut simplement remercier, partager, en se laissant guider, sans prétention, alors il sera sans doute comblé. L’œuvre véritable vient de la source, pas de l’artiste. Ce dernier doit s’effacer et simplement lui « prêter » son savoir-faire, il n’est qu’un outil. S’il y met sa volonté, son intention particulière, l’œuvre peut être jolie et touchera sans doute d’autres personnes de la même sensibilité mais elle ne rayonnera pas, elle ne résonnera pas dans le cœur. .

Est-ce que votre travail est vraiment moins créatif après des séances de méditation ou moins imprégné de votre personnalité spécifique ?Il me semble que la méditation, au contraire, fait surgir la créativité. Mais elle n’est pas celle dont nous sommes habitués. Elle est justement originale et nouvelle, dépouillée de nos conditionnements les plus superficiels.

Dans le même ordre d’idée, depuis que je pratique la méditation, j’ai parfois l’impression de perdre ma personnalité. Je ne trouve plus ma place dans certaines discussions et j’ai le sentiment de devenir inintéressant pour les autres.

Oui, c’est une conséquence courante. Mais je poserai les questions d’une autre manière :

Perdons-nous notre personnalité, ou est-ce certains traits de caractères qui disparaissent car ils n’ont plus lieu de se maintenir ?

Sommes-nous devenus inintéressants, ou est-ce les conversations usuelles qui nous sont devenues inintéressantes ?

Avons- nous vraiment envie de trouver notre place dans des discussions et des échanges sans aucun intérêt à nos yeux ?

Lorsque nous revenons à l’essentiel, nous ne pouvons plus continuer comme avant. Cela n’a plus de sens. Nous pouvons faire illusion quelques temps pour éviter de passer pour un marginal, mais petit à petit nous recentrons notre énergie. Par la suite, cependant, nous pourrons facilement revenir à la mondanité lorsque la vie nous le demande parfois, mais nous nous y perdrons plus.

Usuellement, dans une conversation, nous cherchons à être intéressant, admiré, aimé même. C’est le propre des relations de personnes à personnes. Si nous ne le sommes pas, nous nous sentons mal à l’aise, pas à notre place. En nous sentant être une personne particulière, nous nous sentons séparés des autres, donc nous recherchons à créer du lien, à avoir des relations.

Voyons tout ce cheminement intérieur et laissons-le être, sans nous y accrocher. Restons dans cette position inconfortable – pour l’ego – de n’être ni intéressant, ni admiré, ni remarqué. Parfois l’ego cherche à être modeste et discret, mais c’est aussi un calcul et une recherche. Ne cherchons donc pas à être inintéressant non plus !  Ne cherchons pas à être personne, soyons juste personne de particulier.

N’essayons simplement pas de combler ce vide. Si cette sensation d’absence n’est pas perçue comme une absence, notre présence rayonnera d’elle-même. Et alors, nous serons pertinents et ajustés à la situation, sans que notre ego cherche à se faire mousser ou à se valoriser.

La présence se révèle dans l’absence d’un moi individuel qui désire quelque chose. Mais si nous focalisons sur cette absence, nous restons prisonnier de ce manque.

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