Voici certaines questions posées autour de la méditation. Les réponses données par Cyril Castaing ont été formulées dans un contexte particulier, il s’agit donc de les prendre avec précaution.  Cet article est en lien avec les suivants sur le même sujet:

 Q&R 2eme partie 

 Q&R 3eme partie 

Qu’est-ce que méditer ?

On peut bien sûr donner plusieurs définitions suivant l’approche. La plus simple – et en accord avec ce qui est dit ici – serait : « être conscient du moment présent ».

Mais nous restons souvent à la superficie de cette définition. Car qu’est ce que le moment présent au final ?

Le moment présent est une succession de sensations, perceptions, pensées, ou plutôt, une succession de conscience de « quelque chose », que nous nommons ensuite, suivant ses caractéristiques, sensations, perceptions ou pensées. Mais ce « quelque chose » n’est toujours qu’une interprétation mentale après coup. Dans l’instant, l’expérience se résume à être conscient.

Cela signifie que méditer revient à être conscient d’être conscient. Je suis et je sais que je suis.

C’est notre première connaissance, la plus intime car toujours présente, mais aussi la plus réelle, car elle ne nécessite aucune croyance ou aucune interprétation.

Cette connaissance de notre être est le but de la méditation, c’est la connaissance directe. Dans la tradition indienne, on dit « Sat, Chit, Ananda », Présence, Conscience, Joie.

Car cette reconnaissance, sans la fausse identification que l’on fait habituellement avec le corps/mental, est alors aussi la paix.

 

Méditer, c’est donc s’asseoir et observer le moment présent?

Méditer n’est pas dépendant d’une position particulière du corps, du mental ou d’une technique. Nous pouvons aussi méditer dans notre quotidien, dans tout ce que nous avons l’habitude de faire.

Mais attention à l’erreur commune qui est de « penser l’instant présent » et de le voir comme une période du temps, un endroit de l’espace. « L’instant présent », le « ici et maintenant », ne peut être appréhendé par la pensée.

Il n’y a pas de notion de temps dans ce « maintenant » ou d’espace dans ce « ici ». Ils sont en dehors de l’ « espace-temps ». Car il n’y a en fait que le « ici et maintenant », eternel présent. Il n’y a jamais eu autre chose et il n’y aura jamais autre chose qu’ici et maintenant. Le passé et le futur sont créés par la pensée qui pense, dans le présent, au passé ou au futur.

Donc méditer, c’est revenir sciemment à l’eternel présent de notre présence qu’il prenne la forme d’une pensée, d’une sensation, d’une perception ou du sans-forme….

 

Comment méditer concrètement au quotidien ?

Il faudrait distinguer la méditation en tant que pratique formelle et celle qui se vit au quotidien. Les deux s’enrichissent mutuellement.

Dans le cas d’une pratique formelle, cette conscience du moment présent devient une conscience de la conscience par la plongée du mental dans sa source, car le moment présent est déjà la conscience du présent. On peut alors dire qu’il y a l’expérience de notre vraie nature sous sa « forme pure » du sans-forme. Cette reconnaissance de notre être est plus ou moins profonde. Mais cela permet souvent d’en comprendre la signification et de nous savoir être cette conscience dans notre quotidien, même lorsque le mental est actif.

Pour le quotidien, la méditation consiste à être totalement présent à ce qui est, dans le relatif, à la fois à ce qu’il se passe à l’extérieur comme à l’intérieur de nous. Cette position de témoin ne doit cependant pas entraver l’action. Au contraire, elle doit la laisser la plus spontanée et pertinente possible. Et dans l’action, la méditation c’est être totalement un avec ce que l’on fait dans l’instant, totalement unifié. Cela réconcilie les deux aspects de la conscience qui peuvent sembler contradictoires, celui de témoin et celui d’être « un avec ».

 

Est-ce que méditer va changer ce que l’on fait ?

Il est important de comprendre que revenir à notre vraie nature est un état d’être (certains diraient un non-état) qui accueille tous nos états intérieurs.

Méditer ne change pas ce que nous faisons, mais comment nous le faisons. Bien entendu, comment nous le faisons va influencer ce que nous faisons, mais le changement se fait naturellement, car il est une conséquence d’un retour à notre « vraie nature », et donc notre lucidité.

Mais durant une pratique formelle de méditation, nous ne devons pas essayer de vouloir changer quelque chose à ce que nous percevons.

 

« Ne pas vouloir changer quelque chose durant une méditation », cela veut dire que je dois accepter toutes mes habitudes négatives et toutes mes actions mesquines ?

Il faut faire attention avec le mot accepter. Nous le confondons souvent avec un refus du refus. Accepter, dans le sens évoqué ici, c’est accueillir le présent. Cela ne signifie pas qu’il faille ne rien faire à partir de là. Au contraire même, quand l’évidence est vue sans filtre, l’action s’exécute naturellement et spontanément.

Nous devons donc d’abord accueillir toutes nos habitudes et nos actions. Les qualifier de « négatives et mesquines » est un jugement postérieur que nous devons aussi entièrement voir.

Une double vigilance est donc requise. Celle qui s’ouvre à nos comportements, sentiments, pensées, sensations sans les court-circuiter par des pensées de refoulements, mais aussi une vigilance qui s’exerce sur la « deuxième lame », celle qui se fait passer pour la sagesse en jugeant nos comportements « mauvais ».

Ce jugement qui se pare de l’habit de la vérité est notre pire ennemi si nous ne le voyons pas. Il va refouler, refuser ses conditionnements pour y imposer son « bien » car il veut être « sage ». Or il n’est qu’un conditionnement de plus, nous devons aussi le laisser se déployer dans notre attention et le voir comme tel. Il s’épuisera aussi.

Petit à petit, les schémas se déploient et se défont. Ils ne sont que de l’énergie en mouvement qui recherchent leur point d’équilibre, comme tout dans la nature, il ne faut donc pas les bloquer.

Au début, on ne les verra qu’après leur apparition, ensuite pendant, puis juste à leur prémisse avant qu’ils ne rentrent en action. Cette claire vision les dissout, l’énergie retourne à sa source. Et au bout d’un moment, ils s’épuiseront si nous ne leur donnons plus d’énergie.

La mise en lumière par notre conscience de ces schémas les affaiblira naturellement, car ils ne vivent que grâce à l’obscurité, à notre non-vigilance à eux. Certains partiront, d’autres resteront peut-être encore, tout dépend de leur force et leur ancrage.

Quoi qu’il en soit, à un moment donné, c’est le fait qu’ils ne nous dérangent plus – car nous ne sommes plus identifiés à eux – qui est important. Ne nous dérangeant plus, car nous sommes la lumière qui les éclaire, ils n’ont plus vraiment d’impact sur nous, même si certains peuvent perdurer.

 

Est-ce que cette façon de faire ne nous transforme pas en « légumes », sans plus de réactions, de points de vue, de choix ? Ne perdons nous pas toute notre humanité et nos valeurs ?

Tant que notre entité psychosomatique existe, c’est une façon de parler bien sûr, elle ne peut qu’interagir avec son environnement. Le fait est que, la plupart du temps, nous ne faisons que réagir à partir de nos schémas et conditionnements inscrits dans le corps-mental. Nous sommes des marionnettes qui répètent toujours les mêmes comportements, souvent pilotés par nos tensions et nos peurs.

Il faut d’abord nous en apercevoir. Alors, comme dit précédemment, la vision nous en extirpe. Mais seule la vision est totalement libre, le corps-mental ne l’est jamais totalement. Pourtant, petit à petit, il retrouve son amplitude originelle et non-entravée par les refus inappropriés. Sa réponse devient beaucoup plus incisive, précise, juste par rapport à la situation globale.

Nous retrouvons une « spontanéité naturelle » qui manifeste alors de manière plus profonde notre humanité.

Nous ne devenons pas donc pas des « légumes ». Au contraire, auparavant nous étions des machines sans nous en apercevoir, maintenant nous redevenons totalement humains, car pleinement conscients.

Et dans cette pleine conscience, si chaque instant demande une réponse adaptée et différente, certains comportements ne pourront plus surgir.

 

Tout cela me parait un peu théorique et loin des problèmes de mon quotidien…

La méditation est au contraire une expérience, rien ne sert de trop en parler. Mais refuser d’en parler est parfois aussi le signe d’un inconfort et d’une compréhension limitée et trouble. Le mental aime souvent bien parler, mais quand il s’agit d’éclaircir sa vision, il se défend en bottant en touche car il se sent attaqué. Il préfère rester dans le confort de son faux silence qui est pourtant plein d’illusions.

Il nous faut donc bien voir toutes ces illusions que nous superposons au réel. Car la théorie est au contraire les concepts de moi, du monde, du temps et de l’espace que nous élaborons avec notre mental, sans nous en rendre compte. Et ne les voyant pas, nous les faisons passer pour la réalité. Cela ne signifie pas qu’il faille s’en affranchir. Au contraire, ils sont d’une très grande utilité dans la vérité relative de notre vie quotidienne.

Le point important est de voir qu’ils ne sont pas « la vérité ». Car c’est cette erreur qui entraine la cause de toute souffrance et donc de la plupart des problèmes que nous nommons comme tels au quotidien. En revenant à notre vraie nature, nous ne nous coupons pas du monde relatif. Au contraire il devient plus vivant, car il reste libre. En ne l’entravant plus par nos refus, les « problèmes » deviennent des « faits » dont les réponses apparaissent souvent plus évidentes.

Mais effectivement, attention au piège dangereux de la quête spirituelle qui pense que l’absolu est au delà du relatif. La vérité relative n’est jamais séparée de la vérité absolue, sinon l’absolu ne serait pas absolu. Dans le zen, il y a cette histoire célèbre de l’apprenti moine qui demande « Maitre, qu’est-ce que le zen ? ». Et celui-ci lui répond : « Tu as fini ta soupe ? Alors, va laver ton bol.» Le présent, tel qu’il est, est la seule réalité et notre vie quotidienne est l’unique porte qui y mène.

 

Donc à quoi cela sert de méditer si, au final, c’est pour « aller laver son bol » comme tout le monde ?

Encore une fois, tout dépend de comment on le fait. La différence est entre laver son bol et être conscient qu’on lave son bol. Car « être conscient » nous positionne comme conscience, notre vraie nature, or la plupart du temps, la pensée semble nous sortir de cette position.

Le fait d’être conscient, et de le savoir, permet de nous libérer du diktat de notre égo et de libérer tout notre potentiel d’être humain. Notre corps et notre mental peuvent alors jouer pleinement leur rôle dans ce qui leur est demandé à chaque instant, sans entrave psychologique.

En nous sentant de moins en mois identifiés à eux, nous subissons moins leur conditionnement, leur étroitesse, leur peur. En nous relâchant, ils retrouvent l’espace et la liberté naturels.

Dans toutes les traditions, le stade ultime est la réalisation complète de notre vraie nature. Alors, il est dit que la peur liée au sentiment de séparation et de limitation disparait et nous sommes totalement éveillés, c’est à dire libres et en paix quelle que soient les situations !

Cette complète réalisation n’est sans doute pas une mince affaire… Mais nous pouvons tous, à tout moment, en avoir un avant-goût en nous repositionnant intérieurement. C’est cela la méditation.

Car en fin de compte, l’état de méditation c’est revenir à ce que nous avons toujours cherché à travers tous nos désirs : celui d’être enfin en paix, non pas grâce à une cause forcement impermanente, mais par le simple fait d’être…

 

A quoi servent alors les techniques de méditations ?

Il est difficile, surtout au début, de nous sentir être cette  présence témoin. Nos habitudes, nos filtres physico-psychiques semblent nous en voiler l’accès.

Dans un premier temps, nous avons besoin de nous extirper de l’identification aux objets. Alors des techniques ont vu le jour. S’exercer à l’une d’entre elles peut être très utile, mais il ne faut jamais oublier que ce ne sont que des techniques. Elles peuvent favoriser l’état de méditation, mais la vraie méditation ne dépend pas de la technique. A un moment donné, la technique peut même aussi être contre-productive si nous nous attachons trop à elle.

 

Il y a t-il des bases à connaitre pour méditer ?

Si nous voulons pratiquer une méditation de façon formelle pour nous exercer, il est utile de connaitre certains principes. La méditation formelle est un moment privilégié où nous mettons l’accent sur notre ouverture intérieure. La forme la plus répandue est la méditation assise (mais il y a aussi la méditation marchée ou couchée qui sont très intéressantes). Chaque tradition a développé ses caractéristiques, et il y a quelques bases importantes à connaitre pour éviter certaines erreurs.

Pour cela, un bon livre est utile, mais certainement pas suffisant. Il faut un regard extérieur avisé et des réponses vivantes, adaptées à nos propres questionnements. Car les pièges sont nombreux.

Nous avons notamment vite fait de faire de « notre méditation » une pratique confortable qui, au lieu de nous aider à accueillir le quotidien, nous en sépare.

Notre fausse identification peut même se renforcer tranquillement à l’abri des sollicitations, dans une croyance que le calme que l’on impose est ce que l’on recherche. Nous faisons de la méditation un objet de détente, de paix. Si une pratique de relaxation peut être très utile, cela n’a rien à voir avec la méditation. Méditer, c’est être la paix qui accueille le calme comme l’agitation, le silence comme le bruit, la détente comme la douleur…

 

Mais pourquoi méditer ? Pourquoi devrais-je revenir à l’instant présent, surtout s’il est douloureux ?

L’instant présent n’est jamais douloureux. Une douleur peut apparaitre, méditer c’est l’accueillir totalement. Mais la conscience qui l’accueille n’en est jamais affectée. Et cette conscience ouverte, c’est la présence, notre profonde nature.

Pour le dire d’une autre manière, méditer c’est donc revenir à notre « vraie nature », ce que nous sommes profondément.

Mais nous ne devons pas seulement le croire ou le penser, nous devons le vérifier par l’expérience. Et c’est même la seule chose que nous pouvons vraiment vérifier…

Méditer, c’est le vivre et ancrer cette compréhension en nous.

A quoi sert cette compréhension ?

A mettre fin à l’ignorance sur notre vraie nature qui est la cause de toutes les souffrances, selon le Bouddha et la plupart des traditions spirituelles avec leur propre vocabulaire.

Car bien que nous sommes toujours cette présence consciente, nous avons le sentiment et la croyance que nous sommes autre chose, une entité séparée et limitée. Méditer, c’est vivre sciemment cette présence qui accueille tout ce qui vient la visiter.

Notre vraie nature étant ce que nous sommes, méditer c’est donc répondre à la question « qui-suis-je ? ». Mais cette réponse n’est pas mentale – ce qui serait peu utile – ; cette réponse est vécue. C’est une compréhension par identité. C’est en ce sens que comprendre ici, c’est être. On peut donc dire aussi que méditer, c’est « simplement être ».

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